Le sandre (Stizostedion lucioperca) est originaire d’Europe centrale. Son introduction en France via le bassin du Rhin remonte au milieu du XXe siècle. Ce cousin de la perche est aujourd’hui présent sur l’ensemble des cours d’eau. Il aime les eaux troubles et y cohabite donc avec la brème.
À 5-6 ans, il mesure de 35 à 55 centimètres pour un poids d’environ 1 kilo. Mais l’espèce est d’un naturel plutôt glouton. Certains spécimens peuvent ainsi, à l’âge de 20 ans, atteindre des poids de 12 kilos pour des tailles de 1,20 mètre environ.
On distingue facilement le mâle de la femelle à la forme de la ligne située entre la tête et la dorsale : concave chez le mâle, convexe pour la femelle.
Le sandre atteint sa maturité sexuelle vers 3 à 4 ans. Sa période de frai est bien plus tardive que celle du brochet. Car elle requiert des températures d’eau plus élevées. Elle s’échelonne d’avril à août. Chaque femelle peut pondre 200 000 œufs par kilo de son propre poids sur un nid préparé par le mâle, parfois en grandes profondeurs (jusqu’à 17 mètres en lac). Le sens de la paternité du mâle est aigu. Il garde farouchement le nid faisant agressivement fuir les curieux, plongeurs compris, qui, s’il leur prend l’envie d’approcher, peuvent être les destinataires de morsures bien senties.
Pour les restaurateurs, le sandre est un poisson recherché, à la chair fine et présentant l’avantage d’avoir très peu d’arêtes. Sur les grandes tables, il détrône bien souvent le brochet.
Les pêcheurs de loisir aiment le capturer. Les populations des cours d’eau français sont donc largement soutenues par des repeuplements de juvéniles issus de piscicultures installées en Hollande et en Europe centrale.
Cependant, le sandre n’a pas que des qualités : il abrite dans son intestin un parasite de type trématode digène : un vers plat désigné sous le nom de bucéphalose larvaire (Bucephalus polymorphus). Ce vers va pondre, et ses larves vont d’abord rejoindre des moules d’eau douce exotiques (dreissènes) avant d’aller contaminer nombre de poissons : brème, chevesne, gardon, rotengle, barbeau, ablette, goujon et hotu. Devenues cercaires, c’est-à-dire ayant atteint leur dernier stade d’évolution, après deux mutations, ces « juvéniles » de trématode vont s’enkyster dans leurs hôtes en provoquant des lésions (hémorragies, ulcères, nécroses) dont certaines vont se surinfecter (mycoses, bactéries pathogènes). La vitesse de nage des poissons contaminés se réduit pour le grand bonheur des carnassiers, particulièrement le sandre. Les cercaires rejoignent les entrailles du nouvel expéditeur où ils deviendront de nouveaux trématodes prêts à pondre… La boucle est bouclée. Ainsi, en 1964, des épizooties provoquèrent des mortalités telles en Seine, Saône, Yonne et Maux que les pêcheurs eurent le sentiment que les rivières étaient vidées de leurs poissons. Plus récemment, en 2008, la bucéphalose larvaire a clairement été identifiée dans les rivières de l’Ouest de la France notamment en Vilaine et en Sarthe, et y a dévasté l’ensemble du peuplement piscicole, qui s’en relève doucement.
En 2009, il a été pêché près de 27 tonnes de sandres par les pêcheurs professionnels.
Le marché du sandre se porte bien. Les cours évoluent sans grandes fluctuations. De temps à autre, des poissonniers malhonnêtes, désireux de faire une opération commerciale juteuse, se font épingler pour avoir commercialisé des filets de perches du Nil (poissons pêchés dans les grands lacs d’Afrique de l’Est) sous l’appellation filets de sandre. La traçabilité mise en place sur la provenance des produits doit permettre à la DGCCRF de déjouer ce genre de filouterie.