L’ablette (Alburnus alburnus) est originaire d’Europe. Ce petit poisson de 25 cm tout au plus vit proche de la surface de l’eau. Il fréquente les secteurs des rivières et des fleuves où les débits sont lents. Il a également ses habitudes dans les plans d’eau où, là comme ailleurs, il fait bien souvent scintiller les reflets de sa robe métallique dans l’eau transparente. Ses écailles ont longtemps été utilisées pour fabriquer la nacre des perles fantaisie imitant le bel éclat des perles fines.
L’ablette est grégaire, c’est-à-dire qu’elle vit en banc. Elle se nourrit de zooplancton, de larves d’insectes et de débris végétaux. Sa bouche est dirigée vers le haut pour happer la nourriture en surface.
Sa période de reproduction s’étale de mai à août. Chaque femelle porte entre 500 et 11 000 œufs, œufs qui, une fois relâchés, vont s’accrocher un peu partout. Quand la température (à partir de 15 °C) et la qualité de l’eau sont satisfaisantes, les succès d’éclosion sont garantis. Les larves de 5 mm bientôt libérées grandiront rapidement et les petites ablettes ne tarderont pas à pointer leur nez à la surface.
D’une durée de vie de 3 à 6 ans, l’ablette s’hybride volontiers avec gardons ou rotengles.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des captures, dont le pic intervient en juillet et août, s’écoule auprès des restaurateurs. Véritable spécialité gastronomique des terroirs, la friture d’ablettes est aussi un met touristique recherché.
« Marthe gagnait alors, comme ouvrière en perles fausses, un salaire de quatre francs par jour, mais le métier était fatigant et malsain et souvent elle ne pouvait l’exercer.
L’imitation de la perle se fabrique avec les écailles de l’ablette, pilées et réduites en une sorte de bouillie qu’un ouvrier tourne et retourne sans trêve. L’eau, l’alcali, les squames du poisson, le tout se gâte et devient un foyer d’infection à la moindre chaleur, aussi prépare-t-on cette pâte dans une cave. Plus elle est vieille, plus précieuse elle est. On la conserve dans des carafes, soigneusement bouchées, et l’on renouvelle de temps à autre le bain d’ammoniaque et d’eau.
Comme chez certains marchands de vins, les bouteilles por- tent la mention de l’année où elles furent remplies; ainsi la purée septembrale, cette purée qui luit, se bonifie avec le temps. À défaut d’étiquettes, on reconnaîtrait d’ailleurs les jeunes flacons des vieux, les premiers semblent entamés de gris-noirs, les autres semblent lamés de vif-argent. Une fois cette compote bien dense, bien homogène, l’ouvrière doit, à l’aide d’un chalumeau, l’insuffler dans des globules de verre ronds ou ovales, en forme de boules ou de poires, selon la forme de la perle, et laver le tout à l’esprit-de-vin, qu’elle souffle également avec son chalumeau. Cette opération a pour but de sécher l’enduit; il ne reste plus dès lors, pour donner le poids et maintenir le tain du verre, qu’à faire égoutter dans la perle des larmes de cire vierge. Si son orient est bien argenté de gris, si elle est seulement ce que le fabricant appelle un article demi-fin, elle vaut, telle quelle, de 3 francs à 3 francs 50.
Marthe passait donc ses journées à remplir les boules et, le soir, quand sa tâche était terminée, elle allait à Montrouge, chez le frère de sa mère, un ouvrier luthier, ou bien rentrait chez elle et, glacée par la froideur de ce logement vide, se couchait au plus vite, s’essayant à tuer par le sommeil la tristesse des longues soirées claires. »
Joris-Karl Huysmans, Marthe, histoire d’une fille, 1876